vendredi 26 juillet 2013

Les Contes de Dame Mélie: dix-neuvième Chapitre

Les Chroniques de la Nouvelle Calebaïs

De la plus habile diplomatie aux plus patents échecs

Le retour à Crintera se passa dans un silence pesant. Mélisandre de Merinita ignora ouvertement Nathanaël de Tylalus et le message laissé par Orion n'entraîna que quelques commentaires. Pour mémoire, il est reporté ici:
"Il se passe des évènements étranges et incompréhensibles autour de l'Alliance. La Cloche a sonné. Rentrez au plus tôt. Post-scriptum : n'oubliez pas le Virtus!"

Ignorant l'avertissement, les Magi racontèrent avec l'appui impressionné de Joseph leur réussite dans le Nord. Profitant de l'attention, ils demandèrent à être menés au responsable des sources et réserves de Virtus, espérant négocier au mieux un contrat avantageux pour Calebaïs. Malheureusement l'échoppe où ils furent conduits semblait abandonnée depuis des éons, et seuls les cris de ma Maîtresse firent réagir certains des Magi de Crintera. Après une pénible discussion avec d'anciens Bjornaer perdus dans leurs recherches ésotériques et bien loin des réalités de ce monde, les deux Alliances convinrent de s'échanger certains de leurs biens les plus précieux. Calebaïs apporterait quelques couples des oiseaux magiques peuplant la colline des Illusions, ainsi que des champignons rouges turgescents. En retour, ils recevraient des champignons vénéneux et quelques plants des si étranges ronciers des bois entourant Crintera. Satisfaits, les Magi se séparèrent sans un regard. Estrella partit en quête des fantômes romains entraperçus précédemment, Nathanaël de Tytalus s'en fut à la recherche d'un Magus Salamandre, Gauthier, et Mélisandre s'enquit de sa fille, Maenwenn.

Perdue dans ses pensées et morigénant mentalement Nathanaël pour sa folie de vouloir faire de l'Église une alliée, elle découvrit la bibliothèque de Crintera. Un gigantesque arbre creux, si torturé qu'il lui était impossible de reconnaître son espèce et son origine, abritait des milliers et des milliers de rouleaux de parchemin. Elle y découvrit un gros Magus volubile une fois amadoué, et un livre parlant, à la fois index, gardien et guide de ce lieu étrange. Ma Maîtresse fit parler et boire le pauvre bibliothécaire, qui se plaignit de ses pauvres rayonnages abandonnés du reste de l'Alliance, et de son incapacité à mener son travail à bien. L'encourageant en ce sens, elle réalisa un court contrat entre lui et Calebaïs. Pour dix livres d'or par saison, la Bibliothèque serait fournie en vélin de qualité, en plumes d'oie et en encre de poulpes. De plus le Maître relieur Salbatore de Gasteiz et Malores, la scribe muette, rejoindraient Crintera pour quelques saisons et pourraient en échange recopier les ouvrages qui plairaient aux Magi de Calebaïs, nonobstant qu'ils ne soient mis à l'index par le bibliothécaire.

Arrivant alors à la bibliothèque Gauthier, un Maître dans l'Art Ignem qui venait à la demande de Nathanaël ramener des ouvrages empruntés bien des années auparavant, et notamment d'antiques parchemins traitant des phénix, une des passions du Tytalus. Mélisandre lui raconta, pleine d'amertume, les derniers exploits du Tytalus avec les démons et les anges, et Gauthier s'en fut en s'éclipsant, sans nul doute stressé d'avoir laissé un tel être non loin de son Sanctum. Mélisandre, heureuse d'avoir embarrassé son compagnon, se mit à chercher avec l'aide du codex pensant des références quant aux Diedne, et notamment à leur traque. Elle se mit à lire tout ce qu'elle pouvait, référençant un maximum de textes pour permettre à Malores de recopier les bons papyrus ultérieurement. Le retour de Nathanaël la surprit dans ses lectures, et une dispute tonitruante retentit, où les "noms d'oiseaux" alternèrent avec des accusations qu'ils auraient mieux fait de garder cachées : rapports avec l'Église et le Malin, enquête sur la Maison maudite, ... Finalement, Mélisandre avoua à Nathanaël sa responsabilité dans la disparition du chevalier Gilbert de Montpallier, ô combien satisfaite de clouer le bec au trop fier Tytalus. Ce dernier agita alors son épée sainte, et trois fois maudites pour ma Maîtresse, la forçant à reculer puis à fuir sous sa forme lupine vers les hippogriffes. Annonçant au reste de la Troupe que Nathanaël s'occuperait de leur retour, elle franchit en s'acquittant du prix en Virtus le portail pour Doïsseteppe. Menaçant les gardes de l'autre côté du tunnel enchanté, elle lança sa monture dans les cieux sous les imprécations de la Turbula Tremere et des sorts de vision. Criant sa colère, elle se dirigea sans se presser vers Calebaïs.

Nathanaël, de son côté, prit le temps de saluer les Magi de Crintera, embrasser son enfant avant de suivre Mélisandre à travers le portail. Malheureusement l'attitude de la Maga avait envenimé la situation et il fut arrêté par les gardes, tentant de négocier jusqu'à l'arrivée d'un hautain capitaine qui lui remit une convocation pour le prochain Tribunal, convocation concernant l'ensemble de l'Alliance. Soupçonnant que la situation fut plus grave que prévue, il utilisa une potion de Retour au Foyer pour rejoindre Calebaïs. Un silence d'outre-tombe l'accueillit tandis qu'il parcourait les étages abandonnés. Des faibles vagissements l'attirent vers la nurserie où il découvrit certaines des femmes de l'Alliance et les plus jeunes habitants, calfeutrés et le regard terrifié. Fatima put en reprenant son calme expliquer que toutes les forces de l'Alliance s'étaient déployées sans que ni Orion, ni Gilles, appelé en renfort, ne puissent rien y faire. Une véritable armée de squelettes avait suivi la tribu de Furetons au grand complet, avant que la statue du dragon elle-même ne prenne l'air, menée par Igack. L'ensemble de la Turbula se rangea alors derrière les Magi restant, et avaient quitté le puits au milieu des battements assourdissants de la cloche d'Ibyn. Abasourdi, Nathanaël employa son Art et sa réserve de Virtus pour s'envoler et dominer la colline, cherchant désespérément où se livrait une si terrible bataille qu'elle réveillât d'antiques sortilèges oubliés. Une tranchée à travers les jardins si admirables plantés jadis par Drininkeana et entretenus par Mélisandre lui indiqua la direction à suivre: Blancastel. Rugissant de défi il se projeta en direction de ses compagnons.

Mélisandre de Merinita, de son côté, survola de nombreux villages où des processions encerclaient les églises dont les cloches résonnaient dans l'air printanier. Courroucée mais sentant un danger palpable, elle accéléra le vol de sa monture pour apercevoir les  habitants de Blancastel, munis de torches, guidés par un prêtre, se diriger vers une masse sombre même au cœur de la nuit. Étonnée, elle se rendit compte qu'il s'agissait de la créature qu'ils avaient vaincus quelques heures seulement auparavant dans les marécages au nord de Crintera. Sur la falaise dominant la forteresse, un dôme de feu abritait tout ce que l'Alliance comptait de combattants. Ma Maîtresse, n'écoutant que son courage, se jeta dans la bataille en franchissant le Regio, esquivant adroitement les tentacules de ténèbres. Plus elle remontait à travers l'aura féerique et plus la Bête semblait matérielle, de chair et de sang. Lançant son épée dansante et chantante, elle la guida vers le cœur du puissant démon. Laissant son hippogriffe échapper aux coups du monstre, elle se concentra sur ses sorts, tentant d'empaler la créature contre la falaise, remarquant que les prières des fidèles du Dieu Crucifié repoussaient le démon dans cette direction. De son côté Nathanaël apprit de la bouche d'Orion épuisé les derniers événements, et il se plaça non loin du cercle de flammes magiques, appelant à lui tout son pouvoir pour frapper le démon, hurlant son nom en le frappant de sa magie.

Enfin l'épée féerique trouva le cœur de la monstruosité et l'énergie concentrée par le Tytalus frappa ce qui lui servait d'esprit. Telle une baudruche de la taille de la forteresse du Comte de Toulouse, le démon sembla se vider de sa substance, et peu à peu se résorba dans cette réalité vulgaire, comme dans celle parcourue par Mélisandre au cœur du Regio féerique. Criant de joie celle-ci s'empressa de survoler la procession de Blancastel, et invisible dans la nuit leur apprit la victoire de la Déesse et des Anciens esprits de la Terre sur le démon invoqué par les hommes, les exhortant à ne plus oublier les offrandes au Petit Peuple et les prières ancestrales. Pendant que Gilles s'occupait des blessés de Blancastel et Estrella de ceux de l'Alliance (paix à l'âme de Cristol, féroce guerrier, dévoré par la Bête...), Nathanaël s'en fut trouver leurs alliés féeriques et métamorphes, Iltor, Doria et Arthus, pour les inviter à un banquet de la victoire. Ma Maîtresse se contenta d'embrasser tendrement le Prince Fae sous le regard courroucé de sa Dame. De retour à Calebaïs elle découvrit ses enfants Furetons surexcités, en armes et très loquaces sur leurs actions de la nuit. Malheureusement pour ma Dame, quinze d'entre eux étaient tombés, dont un de leurs puissants héros, mais les chamans lui apprirent qu'un rituel avait précédé l'arrivée du démon. Réconfortant ses fidèles compagnons, elle se résolut à enquêter sur place avec les autres Magi une fois le banquet terminé, et la situation revenue au calme.

Le festin fut organisé sur les falaises dominant Blancastel, haut lieu de victoire et d'alliance désormais. Mélisandre fit de nombreux efforts pour séduire le puissant Iltor, malgré l'attention haineuse que lui prêta Doria. Animant la fête, Hybachus et Syndarion débutèrent un set magistral et orgiaque, poussant nombre des invités à tous les excès. Iltor et Doria s'en furent avec Mélisandre, et nul n'osa questionner ma maîtresse sur ce qui se passa entre eux. Néanmoins il semblerait que les tensions entre la Cour de l'Ombre et l'Alliance s'apaisèrent. Quand aux fées et aux loups-garous, des naissances étranges et imprévues suivirent cette nuit de débauche. L'Alliance en sortait renforcée.

La suite...

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